Biologistes en colère

Biologistes en colère

Par Lionel Barrand, président du Syndicat National des Jeunes Biologistes Médicaux

[Tribune] Lionel Barrand, président du Syndicat National des Jeunes Biologistes Médicaux, analyse dans cette tribune les retombées des coupes budgétaires sur la biologie, et appelle à engager un bras de fer. Son regard sur les conditions de travail des biologistes, vu du point de vue d’un jeune médecin, a retenu l’attention de la rédaction de Jeunes Médecins, qui a décidé de publier son texte.

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Par Lionel Barrand, président du Syndicat National des Jeunes Biologistes Médicaux

Les pompiers pyromanes !



Le 2 juillet dernier, la veille de la première réunion de négociation entre le directeur général de la CNAM et les syndicats représentatifs pour l’avenir du financement des laboratoires, le cahier des charges et produits 2020 de l’assurance maladie annonçait 180 d’économies sur la biologie !

Cette baisse de 180 millions d’euros pour la seule année 2020 est inédite par son ampleur et marque le signe manifeste d’une volonté d’en finir avec le modèle de biologie médicale français.

Le SJBM a toujours défendu une biologie indépendante de qualité, de proximité et vectrice d’innovation.

La baisse exigée pour 2020 représente un effort de -4.8 % sur une enveloppe de remboursement de 3 731 millions d’euros. Rappelons que les dépenses de biologie médicale sont strictement contenues par un taux d’évolution de 0,25 % par an depuis 6 ans, très en deçà de l’augmentation votée de l’ONDAM (+2,5 % en 2019) pour les autres secteurs de soins et ce malgré l’augmentation constante de l’activité de soins (de +3 à +4%/an).

Fermetures de labo, licenciements, et précarisation


Les laboratoires de biologie médicale sont arrivés au bout de la rationalisation de leur activité et toute nouvelle restructuration se traduira donc par:

- la fermeture de nombreux laboratoire de proximité jugés insuffisamment rentables

- le licenciement d’un grand nombre des 48 000 salariés du secteur

- la précarisation des jeunes biologistes

- une perte d’expertise et de qualité des services avec augmentation des délais de rendu de résultats.

C’est inacceptable alors que les biologistes, notamment les plus jeunes, se sont déjà investis massivement dans les nouvelles contraintes de qualité avec l’obligation d’accréditation des laboratoires et ont fait des efforts importants en termes d’économies de santé !

Nos pistes pour améliorer le système


Au contraire nous avons proposé de nombreuses pistes au ministère et à l’assurance maladie pour améliorer la performance globale du système de santé à différents niveaux :

- amélioration des politiques de prévention et de dépistage de nombreuses pathologies avec l’aide des biologistes médicaux : insuffisance rénale chroniques, maladies cardio vasculaire, diabète, infection sexuellement transmissibles, cancers (col de l’utérus, colorectal etc.)…

- amélioration de la pertinence des soins ambulatoires et des actes de biologie médicale

- suivi personnalisé des traitements au plus proche des patients sur l’ensemble du territoire

- accélération de l’innovation dans les domaines de la e-santé, médecine prédictive (utilisation des big data) et l’intelligence artificielle.

- et enfin l’amélioration de l’organisation des soins non programmés avec investissement sur la biologie d’urgence. Cela permettrait d’éviter l’embolisation des services d’urgences hospitaliers pour des épisodes que l’on pourrait gérer en ambulatoire : la politique de casse menée depuis plusieurs années par les Gouvernements successifs ont abouti à la crise des urgences actuelles, c’est le pompier pyromane !

Fermer des laboratoires de proximité, c’est contribuer à dégrader encore un peu plus l’offre de soins primaires consacrée aux patients français.

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Notre profession n’est pas rétive au changement. Elle l’a prouvé ces dix dernières années en menant le double chantier de la restructuration et de l’accréditation. Mais nous sommes las d’être perçus comme un poste de coûts à réduire et une simple variable d’ajustement économique

C’EST POURQUOI

Tous les représentants de la profession ont décidé de s’opposer fermement à cette évolution vers un modèle industriel, sans plus-value médicale et sans offre de proximité en menant les actions suivantes :

- Une lettre a été envoyée à l’ensemble des élus de France – maires, sénateurs et députés – pour les alerter des risques de ce plan de casse national.

- Fermeture de l’ensemble des laboratoires privés de France, tous les après-midis du 23 septembre au 1er octobre.

- La sensibilisation des 500 000 patients pris en charge quotidiennement dans nos laboratoires sur les conséquences que le démantèlement de notre profession fait peser sur chacun d’eux via une pétition à signer.

- La grève des audits d’accréditation Cofrac en demandant à tous les biologistes évaluateurs – privés et publics – de geler leurs évaluations et de ne plus accepter aucune mission d’accréditation.

Engager ce bras de fer est malheureusement la seule voie qui nous reste pour nous faire entendre : il faut permettre aux biologistes de maintenir leur engagement éthique et l’excellence des actes de biologie médicale pratiqués au quotidien.

Auteur : Lionel Barrand, président du Syndicat National des Jeunes Biologistes Médicaux.

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