Voilà pourquoi il faut aussi “soigner les soignants"

Voilà pourquoi il faut aussi “soigner les soignants"

“Les médecins prennent soin des autres, mais pas d’eux-mêmes”, explique la psychiatre Michèle Maury

Jeunes Médecins a discuté avec la psychiatre Michèle Maury. Elle est la coauteure de l’essai “Les médecins ont aussi leurs maux à dire”, qui s’intéresse aux souffrances psychiques des médecins hospitaliers. Où l’on apprend que les internes de Montpellier proposent des séances de méditation de pleine conscience pour mieux gérer le stress.


Avant d’écrire Les médecins ont aussi leurs mots à dire, vous avez mis en place dans votre CHU de Montpellier un groupe de réflexion BEAT (Bien-Etre Au Travail) sur le mal-être et le bien-être des médecins dans l’exercice de leur métier. Comment est né ce projet ?

En 2010, un jeune médecin du CHU de Montpellier s’est suicidé dans un contexte d’erreur médicale. Cela a été un drame pour toute la communauté hospitalière. Il y a eu une assemblée du corps médical pour annoncer la création d’un groupe de travail pour savoir comment aider et soutenir le personnel en cas d’erreur liée aux soins.

J’ai alors proposé de se pencher aussi de manière plus générale sur les difficultés que rencontrent les médecins au quotidien, et réussi à réunir une douzaine de collègues. Nous avons mené des entretiens en tête à tête avec 150 autres collègues pour savoir ce qui les faisait souffrir au travail.

Et quel a été le résultat de cette enquête ?

Les médecins souffrent d’abord du poids de leur charge de travail et des conditions d’exercice de ce travail, qui ont beaucoup changé ces vingt dernières années avec l’informatisation, la tarification à l’acte, les nouvelles contraintes administratives, etc. Mais la nature même de leur métier les expose à énormément de stress en les confrontant régulièrement à l’échec et à la mort. Ils souffrent aussi d’un manque de reconnaissance et de difficultés relationnelles au sein de leurs équipes.

Le problème avec les médecins, c’est qu’ils prennent soin des autres mais très peu d’eux mêmes. Ils craignent en outre que leurs états d’âme soient pris pour un signe d’incompétence. Ils ont peur que leurs difficultés ne les mettent en position de faiblesse par rapport à leurs collègues et à leur hiérarchie, notamment les plus jeunes. C’est pour cette raison que j’ai mis en place une consultation anonyme pour les médecins au CHU de Montpellier.

Quelles autres dispositifs pourrait-être mis en place pour mieux prévenir la souffrance au travail des médecins ?

Il faut d’abord commencer par prendre véritablement conscience des risques psychosociaux liés au métier de médecin et à en parler, le plus tôt possible dans le cursus. Aujourd’hui rien est enseigné sur le stress au travail, ni dans les facs de médecine ni à l’hôpital. Les étudiants doivent être préparés au fait qu’ils embrassent une carrière magnifique, mais qui peut être rude.

On peut aussi mettre en place des actions de prévention du stress. Par exemple, au CHU de Montpellier, les internes ont mis en place des séances de méditation de pleine conscience et plus récemment des séances d’hypnose. Et il faut bien sûr repenser l’organisation du travail hospitalier pour éviter les surcharges.

Propos recueillis par Camille Hamet

Pour en savoir plus, consultez le livre de Michèle Maury et Patrice Taourel, Les médecins ont aussi leurs maux à dire, aux éditions Érès.

Un service d’écoute gratuit pour les médecins en souffrance est disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 au 0800 800 854.

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