Crise du coronavirus oblige, les experts médicaux se sont relayés sur les chaînes d’info en continu. Le professeur Philippe Juvin et l’urgentiste éditorialiste Gérald Kierzek, très appréciés des caméras, reviennent sur leur tournée des plateaux.

Depuis le début de la crise de la Covid19, le très médiatique Professeur Philippe Juvin, chef des urgences de l’hôpital Pompidou, a enchaîné les interventions devant la caméra. Sur Brut, on le retrouve enfiler un masque de plongée Décathlon pour illustrer la pénurie de matériel. Dans C à vous, une des ses émissions préférées, il tacle les conseillers d’Etat: “Je pense que c’est de la nonchalance. Je pense qu’il y a un problème de niveau général, pardon ! Des conseillers des ministres, de l’Etat en général… On a un niveau moyen qui fait qu’on s’est mal préparés à la guerre”. Dans son bureau, habillé de sa blouse, il alerte pour BFMTV sur les “4 - 5 semaines” après le déconfinement, et fait part de ses craintes d’une seconde vague épidémique.

“Des invitations sur les plateaux, j’en avais 15 par jours”, confie le professeur Juvin, fraîchement réélu à la mairie de La Garenne - Colombes (LR). “Je ne faisais les interviews que le matin tôt, ou le soir après le travail. Pendant deux mois, j’étais tous les jours à l’hôpital”, affirme-t-il, assurant ne jamais avoir quitté le terrain. “J’ai toujours eu deux activités: médecin chef de service et politique. Quand il a fallu commencer à commenter, les journalistes ont appelé les gens qu’ils connaissaient”, explique Philippe Juvin, qui martèle “faire de l’information”.

Un profil type

Les invités partageant le profil de Philippe Juvin se sont succédés dans les sujets télés. Des professeurs, plutôt âgés, commentant des courbes épidémiques ou des données de santé sur le virus, sans forcément disposer du bagage nécessaire pour être totalement pertinent. “Ils font leur job, ils sont sur les plateaux et ont remplacé les experts politiques”, juge Gérald Kierzek, médecin urgentiste et éditorialiste pour le groupe TF1-LCI.

Pour inviter leurs “experts”, les chaînes d’infos peuvent compter sur des programmateurs, chargés de caster les invités. Ils sont une dizaine à BFMTV et autant iTélé. Dans l’Express, l’un d’eux raconte son travail: “Nous réalisons des pré interviews pour voir si les intervenants sont clairs et s'ils apportent du fond. Pour réunir quatre invités, il m'arrive de passer plus de 50 coups de fil.”

“Au final, la crise décrédibilise beaucoup la profession médicale, et en particulier ces “mandarins” qu’on a vu partout”, Gérald Kierzek. “On a vu beaucoup de gens parfois autoproclamés experts, sortir de leur domaine de compétence. Ces gens aiment prendre la lumière - moi compris, mais il faut garder la tête froide.”

“Je ne sais pas”

Philippe Juvin assure que les journalistes lui ont souvent demandé de commenter des sujets sur lesquels il n’était pas à l’aise, comme l’hydroxychloroquine. “J’ai très vite dit ''je ne sais pas''”, admet-il. “Ca ne m’a pas empêché d’apprendre; j’ai beaucoup lu de littérature scientifique sur le coronavirus. Je faisais attention d’argumenter toutes mes réponses avec une étude scientifique.” “Ce n’est pas un infectiologue”, glisse Claude Pigemont, gastro-entérologue et longtemps chargé des questions de santé au PS à propos de Philippe Juvin dans les colonnes de l’Express. “Son discours cash plaît aux médias, notamment quand il bouscule les pouvoirs publics”, continue-il.

“Avec la crise, je suis beaucoup plus éditorialiste médical que chroniqueur. C’est un rôle pédagogique, mais aussi politique dans le sens où j’explique la politique de santé publique, et je la commente”, soutient Gérald Kierzek. “Je dis souvent que je suis entre le médecin traitant et Doctissimo”, résume-t-il.