Secret médical et brigades covid, qu’en est-il?
“Le flicage des patients, ça s’arrête aux patients contacts.”
15/05/2020
La mise en place des brigades covid, chargées de contacter les personnes ayant été en contact avec un patient atteint du coronavirus, pose la question du secret médical. Que va-t-il advenir de ces données?
“Nous avions un problème avec le système d’information centralisé, et quelque part, la question des équipes dites épidémiologiques de terrain”, pointe Philippe Bonnecarrere, sénateur centriste du Tarn. Mardi 12 mai, la loi permettant la prolongation de l’état d’urgence sanitaire a été promulguée. Et avec elle, la création des “brigades covid”, aidées par un système d'information central, et chargés d’identifier les personnes atteintes par le virus et casser la chaîne de contamination.“On avait décidé avec la caisse d’assurance maladie, qu’à la fin de l’examen d’un patient par le médecin, et s’il était covid positif, on faisait une consultation où on lui expliquait les risques, et puis avec son accord on renseignait ses données le site ameli.fr qui est le site de la sécu”, explique Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des Médecins de France (FMF), qui souligne que “les salariés de la sécu sont tous assermentés et soumis au secret professionnel”.
“Une forme de contournement du médecin”
Les informations transmises à l’assurance maladie comprennent la consultation, les coordonnées des membres de la cellule familiale, et ceux des “patients contacts”, qui auraient pu être contaminés. Les “brigades covid”, composées de 3.000 à 4.000 personnes, passeront un coup de fil aux patients contacts pour les inciter à se faire tester dans un laboratoire.
“En réalité, ce sont les laboratoires [qui réalisent les tests] qui vont rentrer dans la machine proposée par le gouvernement les données des personnes atteintes de la covid-19. On a tendance à considérer que ce qui est mis en oeuvre n’est pas très loin d’une forme de contournement du médecin”, regrette Philippe Bonnecarrere.
Le Sidep et Contact Covid
Les données seront réparties dans deux fichiers distincts: le Sidep (service intégré de dépistage et de prévention), une base de données nominatives regroupant tous les tests PCR réalisés à partir du 12 mai, et Contact Covid, qui contient le nom, le numéro de téléphone, le mail et le numéro d’assurance maladie des personnes à contacter.
Ce sont les laboratoires qui transmettent ces infos, explique Lionel Barrand, président du syndicat des Jeunes biologistes. “On prend les patients symptomatiques avec ordonnance, et quand on a un résultat positif on fait remonter ça dans la plateforme Sidep. On prévient ensuite le médecin par téléphone, qui saisit le cas positif à l’Assurance Maladie. Et c’est là que les brigades interviennent pour faire la recherche des cas contacts”.
Le fichier Contact Covid, quant à lui, est alimenté par les médecins généralistes via Amelipro, ou directement par l’Assurance maladie, qui aura accès au données pendant trois mois avant qu’elles ne soient supprimées.
“Ces fichiers comprendront des données de santé et d’autres données personnelles (identité, hébergement, déplacement, participation à des rassemblements, etc)”, informe la CNIL, qui remarque qu’elles “pourront être consultées par un grand nombre d’acteurs, notamment par les enquêteurs sanitaires, le législateur ayant autorisé la levée du secret médical”. L’organisme a annoncé qu’il contrôlerait étroitement le dispositif. “Un premier contrôle sera diligenté dans les premières semaines suivant son déploiement”.
Selon Le Monde, qui a pu consulter plusieurs documents transmis aux laboratoires par l’AP-HP – qui hébergera la base de données – “les autorités prévoient aussi que ce fichier abonde, de manière « pseudonymisée », le Health Data Hub, la controversée plate-forme d’analyse de données médicales.”
Des bénévoles qui ne sont pas tenus au secret médical
Pas de quoi inquiéter Jean-Paul Hamon. “Je dépose des données bien plus confidentielles sur le site de la sécu et en 47 ans d’exercice je n’ai jamais vu de service médical violer le secret professionnel”, affirme-t-il. “Il y a des gens qui crient à la violation du secret professionnel, mais ça fait longtemps qu’on partage avec le service médical de l’AM des données hautement confidentielles. Et le flicage des patients, ça s’arrête aux patients contacts.”
Du côté des jeunes médecins, 51% de nos adhérents n'ont pas confiance dans bonne utilisation des données récoltées par les "brigades sanitaires" dans le cadre de la lutte contre le covid, d'après un sondage publié sur nos réseaux sociaux et notre site.
En revanche, le président de la FMF s’étrangle de voir que l’AP-HP ait décidé de faire appel à des bénévoles. “Je regrette d’ailleurs que les infirmières libérales n’aient pas été incluses dans le dispositif. Parce qu’entre les 55.000 médecins libéraux généralistes et les 110.000 infirmiers, on avait largement de quoi faire, sans faire appel, comme le fait l’AP-HP, à des bénévoles qui ne sont pas tenus au secret médical.”
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