Oui oui oui à la PMA pour toutes !
Par Mikaël AGOPIANTZ, médecin de la reproduction
12/08/2019
[Tribune] Mikaël AGOPIANTZ, médecin de la reproduction, analyse dans cette tribune les impacts de la révision de la loi de bioéthique sur la société et la pratique médicale. Son regard sur la PMA, vu du point de vue d’un jeune médecin, a retenu l’attention de la rédaction de Jeunes Médecins, qui a décidé de publier son texte.
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La révision de la loi de Bioéthique de 2019 et de la réglementation inhérente est une occasion pour le législateur d’ouvrir un certain nombre de droits dont de nombreux pays occidentaux se sont faits les moteurs depuis plus d’une décennie.
La loi dite du Mariage pour tous a ouvert, il y a 5 ans, aux couples constitués de 2 femmes ou de 2 hommes, la possibilité de se marier et d’adopter. La France a de ce fait considéré, à juste titre, qu’un couple homosexuel peut constituer une cellule propice à la parentalité, réintégrant ainsi en droit de nombreuses situations existant déjà de fait.
accéder à la parentalité sans recourir à l’adoption
De plus, depuis les années 1970, l’Assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA), par don de sperme, via l’insémination intra-utérine (IIU), puis via la fécondation in-vitro (FIV), a permis à de nombreux couples hétérosexuels, notamment infertiles, d’accéder à la parentalité sans recourir à l’adoption.
En conséquence, le don de sperme, et les techniques de PMA qui y sont associées, doivent être ouvertes aux couples de femmes, en France, sans que celles-ci soient contraintes à réaliser leur projet hors de nos frontières. Il en est de même pour les femmes seules, qui ont d’ores et déjà la possibilité d’adopter, et qui pourraient bénéficier d’une démarche parallèle, attendu que la très demandée cryopréservation sociétale des ovules aura pour probable corollaire de diminuer le nombre de ce type de demande.
La Gestation pour autrui (GPA) est un tout autre débat. Bien que sa mise en place, associée à une démarche de don d’ovules, permettrait aux couples constitués de 2 hommes d’accéder à la parentalité, la GPA n’est pas actuellement ouverte en France aux couples hétérosexuels, présentant une infertilité d’origine utérine, qui constitue son indication principale. Ce débat doit donc faire l’objet d’un autre temps, mettant en balance les avantages concernant les projets de ces couples et les risques inhérents à la démarche, et ce quel que soit le « type » de couple concerné.
Contre le mononople de fait sur le secteur
Par ailleurs, l’un des écueils à la mise en place sur le plan pratique de la PMA pour toutes, est la pénurie relative de spermatozoïdes issus du don disponibles en France. Il sera ainsi nécessaire de placer le don de sperme comme activité prioritaire et les dispositions légales et réglementaires devront s’adapter. Il est grand temps que la France prenne exemple sur les nombreux pays qui ont permis un respect plus grand des différents acteurs impliqués. La levée de l’anonymat pour les dons à venir est essentielle. La culture du secret doit également être combattue, avec une information systématique de l’enfant sur son mode de conception. Conserver le don de sperme dans le cadre d’un monopole est délétère et il est évident que ce monopole de fait et non de droit est un écueil dont il convient de se débarrasser. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, exclut de manière inacceptable les centres privés des activités de cryoconservation de gamètes et d’accueil d’embryons. Les arguments contre volent bas : la banque de sperme privée danoise se trouverait ainsi « dans le même immeuble que des banques financières »… De qui se moque-t-on ?
Pour une PMA accessible sur l’ensemble du territoire
La PMA pour Toutes devra ainsi le cas échéant être effectivement accessible à toutes, dans le même cadre de remboursement que les autres indications, et ce sur l’ensemble du territoire. Les ARS devront y veiller. De plus, toutes mesures à caractère discriminatoire, tels l’établissement d’une clause dite de conscience, la hiérarchisation des indications au détriment des couples de femmes notamment, le choix du « type » de projet par le donneur, évoquées par la Fédération des CECOS, dans son questionnaire de 2017, ne sauraient être acceptées. Dans ce même questionnaire, l’association de loi 1901 a osé demander si « l’on devait retenir la notion de « couple » pour les couples de femmes homosexuelles ». Il est grand temps d’ouvrir toutes les activités d’AMP à l’ensemble des Centres agréés et de laisser faire ceux qui ont les compétences et la volonté d’agir pour appliquer la future Loi !
En finir avec les slogans
La lueur d’espoir apparaît dans l’union des professionnels qui ont co-signé un texte avant-gardiste et unitaire associant les Collèges des spécialités de Gynécologie-Obstétrique, de Gynécologie médicale, et de Sage-Femme, les principales sociétés de médecine et de biologie de la reproduction (BLEFCO, GEFF, GEDO, GRECOT, SCGP, SFG) le tout sous la houlette de la SMR (Société de Médecine de la Reproduction). Lueur d’espoir également dans le foisonnement des associations (BAMP, AGPL, ADFH, PMAnonyme, MAMenSolo…) qui loin de se mettre en concurrence essayent de travailler ensemble, malgré parfois leurs différences idéologiques, pour le bien des femmes, et une mise en application effective de la loi. Lueur d’espoir enfin dans le regard et l’accueil des Parlementaires qui de tout bord, et j’ai une pensée toute particulière pour la Députée Anne-France Brunet et son équipe, mettent un point d’orgue à instiller l’égalité dans le projet de Loi.
Les quatre prochains mois seront cruciaux pour la réussite de ce texte que l’on attend depuis 2011. Nul ne doit faillir pour que la PMA pour Toutes soit une réalité pour nos concitoyennes, et non plus un slogan accroché à une pancarte.
Auteur : Mikaël AGOPIANTZ, Nancy - Médecin de la Reproduction
Photo : Bill Oxford (Unsplash)
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