Les médecins scolaires et universitaires, grands oubliés du Ségur de la santé ?
“Nous ne sommes rien”
16/06/2020
Ne dépendant pas du ministère de la Santé, les représentants des médecins scolaires et universitaires n’ont pas été conviés au Ségur de la Santé. Ces professions en difficulté regrettent que leur voix ne soient pas entendues dans le cadre de ce grand rendez-vous de la santé publique.
“On n'a pas été contactés pour le Ségur. Toute la médecine contextuelle est complètement oubliée, alors qu’il est question de la promotion de la santé”, déplore Patricia Colson, médecin scolaire dans l’Essonne. Même son de cloche pour Laurent Gerbaud, président de l’ADSSU, qui représente les services de santé universitaires, englobant près de deux millions d’étudiants. Ces 3.500 médecins assurent à la fois un suivi médical obligatoire de l’ensemble des élèves, les éduquent à la santé, et aident ceux qui, au cours de leur parcours scolaire, sont confrontés à des problèmes de santé ou des situations de handicap.S’ils représentent peu d’effectifs (1.500 médecins universitaires et 1000 médecins scolaires), ces professionnels de la santé sous la tutelle des ministères de l’Enseignement Supérieur et de l’Education Nationale ont pourtant des doléances à faire remonter.
“On s’occupe de deux millions d’étudiants!”
“On regrette amèrement [de ne pas avoir été invités], d’autant plus que nous sommes un secteur de santé important”, déplore Laurent Gerbaud. “On s’occupe de deux millions d’étudiants, mais on est totalement inconnus du ministère de la Santé!”
Secrétaire générale SNAMSPEN SGEN CFDT, syndicat représentatif des médecins scolaires, Patricia Colson explique : “Il faut donner enfin une place visible et articulée avec les acteurs prévention et les libéraux et hospitaliers. Aujourd’hui, les réseaux sont opaques. Nous sommes des acteurs qui pourrions initier le parcours de soin, mais aujourd’hui, ça nous est refusé.” Selon elle, la crise du Covid a souligné l'invisibilité de la profession. Elle regrette que les médecins scolaires n'aient pas été autant sollicités que pendant la crise de la grippe H1N1, par exemple.
La professionnelle de santé, qui exerce depuis 2001, estime que dépendre du ministère de l’Education Nationale nuit à la reconnaissance de la médecine scolaire. “Nous ne sommes rien en termes de santé publique”, résume-t-elle. “L’Education Nationale n’a pas la culture de la santé”.
De son côté, le Pr. Laurent Gerbaud aurait aimé porté au Ségur ses regrets concernant la “perte d’autonomie politique et financière” induite par la loi LRU sur la gouvernance des universités. “Jusqu’en 1998, les directeurs des services de santé universitaires étaient nommés par le ministre de l’Enseignement Supérieur, sur proposition du président d’université”, retrace le Pr. Gerbaud. “On a perdu ce système avec la loi LRU. Par exemple, le directeur du service de médecine universitaire de Marseille a été débarqué du jour au lendemain parce qu’il ne plaisait plus au président d’université. La politique de santé a besoin d’une indépendance professionnelle”, martèle-t-il. Depuis le passage de cette loi, les finances des services de santé universitaires en ont pris un coup. Finie la comptabilité distincte, le service de santé partage sa caisse avec l’université. “Du coup, l’université peut prendre dans notre budget”, résume le président de l’ADSSU.
Une profession en “décrépitude”
Pour Claudine Nemausat en revanche, le Ségur de la santé n’est pas la priorité. La secrétaire générale de l’Unsa-SNMSU, qui défend la tutelle de l’Education Nationale sur la médecine scolaire, estime que le plus important est d’abord suivre les recommandations de la Cour des comptes. “Il y a un manque de médecins de prévention, et ça s’est notamment senti avant le confinement, quand il y avait des cas suspects parmi les adultes dans les établissements scolaires. On était débordé.”
Dans un rapport, la Cour des comptes dresse le portrait d’une profession “en décrépitude”, soulignant notamment la difficulté à recruter de nouveaux médecins scolaires. Ces derniers doivent passer un concours public une fois leur diplôme de médecin en poche. “Ce dispositif montre que la France a fait le choix d’une médecine scolaire ouverte à des praticiens qualifiés, mais soumise à un recrutement spécifique par concours”, analyse la Cour des comptes.
“La grille de salaire d’un jeunes médecins qui passe le concours c’est moins qu’un interne ! C’est pas attractif du tout. On cherche une harmonisation des salaires à la hauteur de la formation, qu’on reconnaisse notre expertise”, martèle Patricia Colson.
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