Les jeunes médecins sont les premiers à prendre en charge les patients atteints de Coronavirus. Mais aussi les plus vulnérables. Avec parfois des heures de garde à rallonge et une absence de matériel de protection pour certains libéraux. Qu’ils soient pédiatres, médecins généralistes ou encore biologistes : tous sont concernés. Mais pour l’instant, le ministre de la Santé refuse de rencontrer les représentants des jeunes médecins.

“Les jeunes médecins sont par définition les plus présents dans les structures de soin”, explique Matthieu Jamme réanimateur et néphrologue à l’Hôpital de Poissy-Saint- Germain-en-Laye (78).

“Concrètement, nous faisons plus de gardes que les anciens et nous sommes les premiers à prendre en charge les patients lorsqu’ils arrivent à l’hôpital. Cela ne veut pas dire que nous allons être davantage contaminés, mais nous sommes plus fragiles”, poursuit le praticien âgé de 33 ans qui exerce depuis 2018 à Poissy.

Matthieu n’est pas passé loin du COVID-19. Après avoir été en contact avec une infirmière qui a contracté le virus, il s’est inquiété et a contacté l’Agence Régionale de Santé (ARS) : “On m’a d’abord dit que je devais être confiné. Je suis resté chez moi tout le week-end en portant un masque. Finalement, le lundi, on m’a demandé de revenir au travail, pour assurer un maintien des soins envers les patients. ”

Un choix, pas très judicieux selon lui : “Nous avons beaucoup d’informations qui expliquent que la période d’incubation est de 48h à 72h minimum. Or lorsque j’ai été confiné je n’étais pas encore contagieux. La période d’isolement est plus intéressante entre le troisième et le dixième jour.” Pour l’instant, le réanimateur ne présente aucun symptôme.

Les jeunes médecins libéraux, les plus en galère

De son côté, Thiên-Nga Chamaraux-Tran est anesthésiste-réanimatrice au CHU de Strasbourg. La jeune femme s’estime chanceuse d’avoir accès aux masques et blouses de protection : “Nous avons des masques et tout ce qu’il faut pour nous protéger.Ce n’est pas le cas pour les médecins libéraux. Dans notre équipe de 8, nous sommes 5 jeunes médecins et tous les seniors font des gardes pour garantir un certain équilibre.”

Le constat dressé par Fatia C, pédiatre installée en Île-de France est bien plus sombre. Avec des listes d’attente qui n’en finissent plus pour recevoir des masques et des prix exorbitants.
“J’ai voulu acheter des masques, mais une boite de 20 masques à 180 euros c’est honteux. Le prix été multiplié par 7 depuis le début de l’épidémie. C’est difficile pour nous d’investir de telles sommes”, déplore la praticienne.

Les médecins libéraux devraient recevoir des boîtes de masques, mais problème, selon Fatia : “On va recevoir des masques chirurgicaux et non des masques FFP2 (type canards). Or ils ne sont pas vraiment efficaces, on devrait en recevoir 50. Sachant qu’un masque est utilisable seulement 4h, le compte est vite fait."

Les masques devraient être livrés “dans la semaine”, selon Fatia, mais face à la rupture des stock, les délais sont incertains. Grand nombre de libéraux continuent d’accueillir les patients sans pouvoir se protéger en cas de suspicion de Coronavirus.

Les directives floues du ministère de la Santé

Outre le manque de matériel de protection, de nombreux praticiens libéraux pointent du doigt un manque d’information de la part du Ministère de la Santé. “Dans le libéral, nous n'avons pas de directives claires. Nous mettons en place les règles d’hygiènes élémentaires, se laver régulièrement les mains ou encore désinfecter les surfaces”, explique Lionel Barrand, biologiste libéral à Strasbourg depuis 5 ans.

Pour Fatia, le manque d’information a également un impact sur sa relation avec les patients : “ À chaque fin de séance on nous pose des questions sur le Coronavirus. Mais finalement nous on a pas vraiment les réponses. C’est compliqué de pouvoir les rassurer.”

Du côté du CHU Lariboisière à Paris, Lamia Kerdjana, anesthésiste et présidente de Jeunes Médecins Île-de-France regrette qu’un numéro spécial permettant d’avoir accès au 15 sans délai d’attente ne soit pas mis en place pour les personnels de santé. “Depuis quelques semaines, lorsque nous avons un cas suspect on compose le 15, mais les délais d’attente sont de plus en plus longs.”

Jeunes médecins, boycotté par le ministre de la Santé

“Nous sommes en première ligne pour la gestion du virus”, conclut Lionel. Une position qui semble être peu prise en considération sur la scène politique. Récemment, Jeunes médecins a été boycotté par Olivier Véran. Le ministre de la Santé a réuni lors d’un dîner, l’ensemble des organisations syndicales représentatives des praticiens hospitaliers à l’exception de Jeunes Médecins. Un manque de considération qui semble anormal au regard du poids des jeunes médecins dans le contexte sanitaire actuel.