Le forfait de réorientation des urgences: un cadeau à Doctolib?

Le forfait de réorientation des urgences: un cadeau à Doctolib?

Il sera expérimenté pendant deux ans

Testé dans une trentaine d’hôpitaux à partir du 1er avril, le forfait de réorientation a pour objectif de désengorger les urgences. Mais certains acteurs craignent que la mesure profite à Doctolib.


“Si au 1er avril ils expérimentent ça, nous on va expérimenter la consultation à 60€”, plaisante Jérôme Marty, médecin généraliste et président de l’Uflms. Prévu par la loi de financement de la sécurité sociale, le forfait de réorientation des urgences sera expérimenté dans une trentaine d’établissements français pendant deux ans à partir du 1er avril.


Une mesure “pas efficace”



Concrètement, il s’agit de rediriger les patients “inadéquats” des urgences vers la médecine de ville. L’hôpital touchera 60€ par patient réorienté. Pour ce dernier, cela se traduira “par un rendez-vous (date, heure et lieu) qui est synthétisé sous la forme d'un bulletin de réorientation”, résume l’arrêté.

Pour Hugo Huon, du collectif Inter-Urgences, la mesure n’est pas efficace. “Il faut voir le patient pour avoir une idée assez bonne de ce qu’il a pour le réorienter. Finalement, tu fais 80% de la consultation et tu réorientes. Le mec est à deux doigts d’avoir son diagnostic et paf on lui demande d’aller voir ailleurs.” A noter que le patient peut refuser la réorientation.

“Je trouve ça rude. Ce n’est pas une bonne façon de dire aux gens qu’ils ne sont pas au bon endroit”, estime l’urgentiste, en émettant des réserves quant au financement du forfait. “Si les gens savent qu’on gagne de l’argent à les réorienter, ils vont se dire qu’on se fait du biff’ sur leur dos sans leur donner de réponse”.

Une “méconnaissance du fonctionnement des cabinets de médecine générale”



Les objectifs affichés: réduire la fréquentation aux urgences “pour les cas les plus simples” et travailler à une meilleure relation entre hôpital et médecine de ville, notamment en signant des conventions avec les médecins libéraux portant sur la “communication des plages de consultations et modalités d'accès à celle-ci pour l'hôpital”. Un point qui souligne “la méconnaissance du fonctionnement des cabinets de médecine générale ou des maisons de santé” fulmine Jérôme Marty. “Je ne vois pas mes confrères laisser des plages disponibles dans la journée pour attendre des hypothétiques gens envoyés par les urgences”, souligne-t-il.

Favoriser Doctolib?



Un point d’interrogation subsiste quant à la manière dont les hôpitaux témoins vont mettre en place ce dispositif. “C’est une expérimentation, donc chaque hôpital pourra décider de comment réorienter les patients et proposer des choses”, fait savoir Olivier Véran, le député LREM porteur de cette initiative. “En réalité ça qui existe déjà dans certains hôpitaux qui ont déjà un dispositif similaire mais qui perdent beaucoup d’argent aujourd’hui”. “Ca implique d’avoir un médecin d’accueil en permanence. C’est complexe en ce moment”, note Hugo Huon.

Si le gouvernement n’a pas défini de partenaire conventionnel, une phrase de l’arrêté fait tiquer la communauté médicale: “les sites de prise de rendez-vous en ligne seront sollicités pour apporter leurs concours à la mise à disposition des données pour les établissements”. “C’est pour favoriser la plateforme leader du marché: Doctolib”, pressent Thomas Plain, fondateur de MadeforMed, un service proposé aux médecins en alternative aux plateformes de prise de rendez-vous. “C’est ressenti comme ça dans le milieu. Ca pose une vraie question de se dire qu’on pousse une plateforme qui est un peu un supermarché du soin.”

Rémi Yang

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