La suppression du concours de PH, une fausse bonne idée

La suppression du concours de PH, une fausse bonne idée

“Non seulement ça favorise le copinage, mais en plus ça transforme le médecin en simple subordonné”

Si elle ouvre la voie à un système de nominations locales, la suppression du concours de praticien hospitalier (PH) remet en cause le principe même de l’indépendance professionnelle des médecins.

Malgré sa réputation de “simple formalité” en raison de son fort taux de réussite, le concours de praticien hospitalier (PH), qui a lieu chaque année de janvier à mars, fait toujours aussi peur à en croire les réseaux sociaux. “Est-ce que je suis seule, en train de décéder de stress alors que je pourrais passer une soirée sympa à Paris ?” fait par exemple mine de se demander une urgentiste sur Twitter la veille de son examen.




Aussi sa suppression, prévue par l’article 6 de la loi Santé 2022, du concours de PH peut-elle apparaître comme une bonne nouvelle. “Le système de recrutement actuel est loin d’être parfait”, reconnaît Pierre-Yves Chapeau.  Et il est bien placé pour le savoir : aujourd’hui avocat spécialisé dans les cas de négligence médicale, il a dirigé des établissements de santé pendant une dizaine d’années.

Avant de jeter l’éponge, au moment du vote de la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires et la généralisation de la tarification à l’acte, refusant de voir son rôle de directeur d’établissement de santé transformé en rôle de chef d’entreprise privée, et fatigué de devoir faire des acrobaties entre des contraintes financières intenables et les demandes, légitimes, du personnel.

“Cette réforme ne fera qu’accentuer la logique de privatisation”


“D’un côté, il y a un problème de valorisation des postes de médecin hospitalier, ce qui explique le fort taux de réussite du concours de PH”, décrit-il. “Et de l’autre, un problème de déficit et de réduction budgétaire chronique. Mais cette réforme ne fera qu’accentuer la logique de privatisation de l’hôpital public au détriment du personnel et des patients.”

Pierre-Yves Chapeau craint en effet que la suppression du concours de PH ne cède la place à un système de nominations locales, et ne mette ainsi fin à l’indépendance professionnelle des médecins hospitaliers : “Non seulement ça favoriserait le copinage, mais en plus ça transformerait le médecin en simple subordonné.”

“Les patients vont en pâtir”


Même son de cloche du côté du sociologue de la santé Frédéric Pierru, qui estime que le recrutement se ferait alors “en fonction de la loyauté, voire de la servilité, des médecins vis à vis à vis de la direction”, “renforçant encore un pouvoir gestionnaire déjà très fort par rapport au corps médical”.

“Et à la fin ce sont les patients qui vont en pâtir”, prévient-il. “Parce que si l'indépendance professionnelle des médecins n’est pas une garantie absolue de qualité des soins, elle y participe beaucoup. On se dirige de plus en plus vers une conception industrielle de la médecine, qui menace réellement la qualité des soins.”

Mais alors comment fluidifier le recrutement ? “En restaurant l’attractivité de l’hôpital public”,  lâche Pierre Yves-Chapeau. “Et donc en payant mieux les médecins.”

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