Au Ségur de la santé, la Mutualité française a soumis une proposition intrigante : baisser la rémunération des médecins installés seuls pour les pousser à se regrouper. Une prise de position qui n’est pas passée inaperçue et a provoqué l’ire de la communauté médicale.

“La Mutualité Française propose de mettre fin à l’exercice isolé et de faire de l’exercice systématique des professionnels de santé en équipe et en réseau au sein d’Espaces de Santé Pluriprofessionnel (ESP)”. Dans le cadre du Ségur de la Santé, le président de la fédération nationale de la Mutualité Française, Thierry Beaudet a remis au ministre de la Santé une liste de propositions. Parmi elles, il recommande donc de regrouper les praticiens isolés dans des structures communes, en réduisant “sensiblement la rémunération des professionnels du 1er recours intervenant en dehors d’un ESP.”

“Leur proposition est stupide”

“Ce que je propose c’est de faire sauter les hauts salaires de la Mutualité Française pour faire des économies”, s’agace le Dr. David Azérad, médecin généraliste exerçant dans une maison de santé. “Leur proposition est stupide. Considérer que l’exercice isolé est limité est une erreur conceptuelle car on est rassemblé par les nouvelles technologies. Il est inconcevable pour un médecin installé en solo de ne pas avoir un carnet de correspondants extrêmement étoffé”, continue le généraliste. “La seule différence entre un cabinet solo et cabinet de groupe, c’est la possibilité d’avoir une continuité des soins facilitée et d'organiser des réunions pluriprofessionnelles au sein même des locaux”

Une perte de liberté

De son côté, Catherine Kirnidis, présidente du Snill (Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux), affiche une position similaire. “C’est une perte de liberté sidérale. On est quand même libre de travailler comme ont veut à partir du moment où la qualité de soin n’est pas impactée. C’est pas acceptable en ce qui nous concerne”, martèle-t-elle, avant de poursuivre: “ce n’est pas à la mutualité française de se positionner dans les rémunérations entre la caisse de santé de l’AM et les médecins libéraux. Jusqu’à preuve du contraire, ce sont encore les syndicats représentatifs, signataires des conventions, qui sont en charge des négociations des rémunérations”.

Créer des réseaux de soin pour mieux les contrôler ?

L’objectif affiché de la Mutualité Française? Créer des réseaux de soin. “C’est une tentative de récupération, de mainmise sur la médecine de ville”, interprète Catherine Kirnidis. “Leur objectif est probablement à long terme : plus que de favoriser la coordination, c'est probablement de regrouper les artisans isolés, pour pouvoir à terme les contrôler d'une façon ou d'une autre”, projette le Dr. David Azérad, qui craint la mise en place d’un futur rachat de ces réseaux de soin. Le président de 100 000 médecins.org a une “contre-proposition” à faire à la Mutualité Française: “Supprimer la part complémentaire de tous les soins de premier recours, c’est à dire que pour toutes les consultations de médecine générale, d’urgence, de sage femme... ce qui diminuerait les freins d’accès au soin.”