Des médecins réagissent aux annonces d’Agnès Buzyn sur les mesures anti-immigration
La réforme de l'AME ? “Un scandale, une bêtise politique!”
08/11/2019
Les récentes mesures du gouvernement sur l’immigration n’ont pas tardé à faire réagir les professionnels de la santé. Contrôles renforcés sur les bénéficiaires et l’AME, et délai de carence de trois mois pour l’accès à la secu de base, Jeunes Médecins fait le point.
“C’est un scandale, une bêtise politique, une aberration sanitaire!”. Nicole Smolski, anesthésiste réanimatrice et présidente d'honneur d'Avenir Hospitalier, ne mâche pas ses mots pour critiquer les récentes mesures annoncées par le gouvernement sur l’AME, cette aide de l’État destinée aux étrangers sans papier.Mercredi 6 novembre, Edouard Philippe a présenté la liste des mesures du gouvernement sur l’immigration, en compagnie d’Agnès Buzyn et d’autres ministres. Certaines concernent la prise en charge de la santé des étrangers sans-papier, qui feront l’objet de contrôles renforcés, et qui devront obtenir l’aval de la sécu concernant les soins non urgents. Ces mesures ont été votées à l’Assemblée Nationale ce jeudi 7 novembre, à 50 voix contre 14.
Lutter contre le “tourisme médical” ?
L’objectif affiché par le premier ministre? “Lutter contre les fraudes et les abus”. Un non sens pour Nicole Smolski: “On part du principe qu’il y a des fraudes à la chirurgie esthétique alors que c’est peanuts par rapport à tout ce qui peut exister comme besoin de santé des migrants”. “Le nombre de personnes qui viennent en France pour faire du tourisme médical est relativement faible”, abonde Jérôme Marty, médecin généraliste libéral et président de l'UFML-S. “Mais pour autant, on est obligé de mettre en place un certain nombre de choses par rapport à ça”.
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAF) réalisé conjointement avec l’Inspection générale des finances (IGF) avait été remis au gouvernement peu avant l’annonce de ces mesures. Les auteurs y notaient que “les atypies les plus nettes concernent les accouchements, l’insuffisance rénale chronique, les cancers et les maladies du sang”.
Un coût en hausse chaque année
L’AME a représenté 904 millions d’euros de dépense en 2018, soit 2675€ par bénéficiaire, contre 2667€ l’année précédente. La hausse annuelle du coût de cette enveloppe serait dûe à la réforme des tarifs des séjours hospitaliers, selon ce document.
“Je travaille avec des réfugiés depuis quelques mois. Lorsqu’ils arrivent, ils sont épuisés, certains dorment deux jours. Ils ont contracté des maladies, parfois infectieuses comme la tuberculose… C’est quand ils arrivent qu’il faut les soigner!”
Les auteurs ont analysé comment les bénéficiaires de l’AME en disposaient. “La dépense de soins des bénéficiaires de l’AME reflète logiquement les spécificités de cette population”, commencent-ils. “Deux tiers de cette dépense de soins sont représentés par les soins hospitaliers. Leur consommation de médicaments est supérieure à celle des assurés sociaux pour les traitements associés aux maladies infectieuses (VIH, hépatites, tuberculose), aux dépendances et à la toxicomanie ou encore pour les antalgiques et anti-inflammatoires, ce dernier point reflétant sans doute un état de santé dégradé.”
“C’est quand ils arrivent qu’il faut les soigner!”
Un délai de trois mois de carence sera également instauré afin d’accéder à la protection universelle maladie (Puma) - la sécu de base - pour les demandeurs asile, et les déboutés ne bénéficieront plus que de six mois de protection maladie, contre 12 auparavant.
"Notre rôle, c’est de soigner tout le monde. Il est évident que si quelqu’un se présente, on va pas aller le foutre dehors.”
“Je travaille avec des réfugiés depuis quelques mois. Lorsqu’ils arrivent, ils sont épuisés, certains dorment deux jours. Ils ont contracté des maladies, parfois infectieuses comme la tuberculose… C’est quand ils arrivent qu’il faut les soigner!” s’insurge Nicole Smolski.
“Notre rôle, c’est de soigner tout le monde”
“Pendant ce délai de carence, ils continueront à bénéficier de la Permanences d’accès aux soins de santé (PASS), qui prend en charge tous les soins urgents”, tempère Jérôme Marty. “Nous, médecins, on est pas hyper concernés. Notre rôle, c’est de soigner tout le monde. Il est évident que si quelqu’un se présente, on va pas aller le foutre dehors.”
Pourtant, le rapport de l’IGAF et de l’IGF souligne que “[le parcours médical] n’est pas pleinement garanti en médecine de ville en raison de possibles refus de soins”.
“Là où il faut qu’on soit extrêmement attentif, c’est que ça ne dérive pas sur une inégalité des soins”, prévient Jérôme Marty.
Rémi Yang
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